Tigran Pashabézyan: “Les  tâches de l’Arménie d’hier et d’aujourd’hui: la défense du pays et la défense de ses droits”, 20․01․2023

 

Dès le début de la lutte pour la libération de l’Artsakh, soit depuis février 1988, la voie permettant de surmonter les défis et les menaces auxquels doit faire face le peuple arménien est la voie d’une défense du pays à l’échelle de toute la nation ainsi que le respect de ses droits.

L’Azerbaïdjan propose une délimitation et une démarcation de la frontière avec l’Arménie?

Pourtant, l’unique document légal concernant la frontière entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie est l’Exposé-proposition de la Commission Spéciale de la Conférence de Paix de Paris du 24 février 1920, sur lequel sont apposées les signatures des représentants officiels des Etats-membres du Conseil de la Ligue des Nations – la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et le Japon.

La Turquie propose à l’Arménie de reconnaître la frontière existante entre la Turquie et l’Arménie?

Cependant, l’unique document légal concernant la frontière entre la Turquie et l’Arménie est la Sentence Arbitrale du 28e Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson prononcée le 22 novembre 1920 avec pour intitulé complet : »Décision du Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson concernant l’établissement d’une frontière d’Etat entre la Turquie et l’Arménie, d’un accès de l’Arménie à la mer et la démilitarisation des territoires turcs adjacents à la frontière arménienne ».

Les joueurs internationaux et les co-présidents du Groupe de Minsk du Conseil de coopération et sécurité de l’Union européenne proposent de trouver une solution politique au problème de l’Artsakh?

Pourtant, les décisions politiques et juridiques des problèmes sus-cités avaient déjà été présentées en 1920 dans le cadre du règlement de la Question Arménienne. Si ces décisions sont ignorées, elles soumettent les peuples et les Etats de la région à de nouveaux défis et menaces comme nous en avons été témoins en septembre 2020: agression, guerre et Génocide en Artsakh – crimes commis par les turcs, les azeris, les mercenaires appointés, épaulés par une coalition beaucoup plus large.

Nous allons présenter succintement les décisions prises lors de la Conférence de Paix de Paris en 1919-1920 mais, auparavant, voyons quelles raisons y ont conduit.

En premier lieu, parce que le peuple arménien était du nombre des Etats vainqueurs et ce n’est pas par hasard que le Traité de Sèvres a été signé d’une part par les Etats vainqueurs dont l’Arménie et, de l’autre par l’Empire ottoman.

En second lieu, pour compensation des pertes subies par le peuple arménien pendant la Première Guerre Mondiale et le Génocide des arméniens.

Voici ces décisions:

  1. Le 19 janvier 1920, le Conseil Suprême des Puissances alliées, à la Conférence de Paix de Paris, a reconnu de facto l’indépendance de l’Etat Arménie . Il a invité les co-présidents de la Délégation Arménienne unie – Boghos Noubar et Avetis Aharonian -, à la Conférence de Paix de Paris et il leur a annoncé officiellement la reconnaissance d’un Etat arménien. En réponse aux exigences présentées par la Délégation Arménienne unie, le Conseil Suprême des Alliés a pris la décision suivante: a) le Gouvernement de l’Etat Arménie est reconnu en tant que gouvernement; b) cette décision ne préjuge pas de la question des frontières de l’Etat Arménie.
  2. Il y a eu un fait antérieur à la signature du Traité de Sèvres: le 11 mai 1920 la Délégation turque a été conviée à la Conférence de Paix de Paris où lui ont été présentées « Les conditions de la paix ». La Délégation arménienne y assistait également, aux côtés des Puissances alliées. Dans le préambule aux « Conditions de la paix » qui, par la suite, deviendra le préambule du Traité de Sèvres, l’Arménie a été incluse au sein des Etats alliés. Ainsi, l’indépendance de l’Etat Arménie a été reconnue de jure le 11 mai 1920 et l’année 2023 voit le 103e anniversaire de la reconnaissance de son indépendance.
  3. Lors de la Conférence de Paix de Paris (1919-1920), le 24 février 1920, la Commission spéciale chargée de déterminer les frontières de l’Arménie a présenté un « Exposé-proposition concernant la détermination des frontières de l’Arménie ». Cet Exposé-proposition, présenté par la Commission spéciale de la Conférence de Paix de Paris le 24 février 1920, est l’unique document légal avalisé par la communauté internationale, déterminant les frontières entre l’Etat Arménie et la République Azerbaïdjan, l’Etat Arménie et la République Géorgie. Les principes proposés et les dispositions de cet Exposé-proposition ont été inclus dans le Traité de Paix de Sèvres (10 août 1920) à l’article 92 qui stipule: « Les frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et, également, entre l’Arménie et la Géorgie seront déterminées par accord direct des parties intéressées. Dans le cas où les pays concernés ne pourront trouver accord sur la détermination des frontières, ainsi qu’il est prévu à la page 89 du Traité, et jusqu’à la veille de sa ratification, alors la problématique des frontières sera déterminée par les Hautes Instances alliées qui en assureront, sur place, la démarcation ».
  4. La question d’un mandat sur l’Arménie a été étudiée par le Sénat américain entre les 29 mai et 1er juin 1920. Cela signifie que les Etats-Unis d’Amérique reconnaissaient « de facto » le droit et le titre de l’Etat Arménie sur le territoire arménien et annulait par là-même le droit et le titre de l’Empire ottoman sur ces territoires. L’idée politique et juridique et sa signification d’un mandat sur l’Arménie n’est pas à confondre avec la portée de la Sentence Arbitrale. Du point de vue juridique et politique, il s’agit de décisions différentes.
  5. Le 10 août 1920, le Traité de Paix de Sèvres a été signé d’une part par les Etats vainqueurs, au nombre desquels figurait l’Arménie et de l’autre par l’Empire ottoman vaincu. Le Traité de Paix de Sèvres est l’une des composantes du système Versailles-Washington de traités signés d’une part par les Etats alliés et de l’autre par l’Allemagne (Versailles 1919), l’Autriche (Saint-Germain, 1919), la Bulgarie (Neuilly-sur-Seine, 1919), la Hongrie (Trianon, 1920) et l’Empire ottoman (Sèvres, 1920).
  6. Le 22 novembre 1920, le 28e Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson a prononcé sa Sentence Arbitrale dont la dénomination complète est: « Décision du Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson concernant l’établissement d’une frontière d’Etat entre la Turquie et l’Arménie, d’un accès à la mer pour l’Arménie et de la démilitarisation des territoires turcs adjacents à la frontière arménienne ». La Sentence Arbitrale n’est pas soumise à prescription, ne peut être pourvue en cassation et doit être obligatoirement appliquée. Et nous ajoutons que, si la question de la frontière entre l’Etat Arménie et la République Azerbaïdjan avait été réglée d’après la proposition de l’Exposé du 24 février 1920, alors la frontière entre l’Etat Arménie et la Turquie aurait été démarquée par la Sentence Arbitrale actée par le 28e Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson.
  7. Le 18 janvier 1919, la Conférence de Paix de Paris a commencé à siéger (The Paris Peace Conférence) afin d’examiner dans son ensemble toutes les questions touchant à la guerre et ainsi préparer les traités de paix. Une des questions majeures concernait les réparations (réparations) des pertes matérielles causées par les pays fauteurs de la guerre. Pour cette raison, a été créée au sein de la Conférence de Paris une Commission spéciale dédiée à la question des réparations (The Commission on Réparations of Damage/Valuation of Damage). Après près de deux mois de travail, il devenu clair que les pertes matérielles avaient touché bien plus que les pays entraînés dans cette guerre. Pour cette raison, le 7 mars cette Commission a créé une antenne spécifique – le Comité spécial (Spécial Committee) dont le rôle était de synthétiser les pertes matérielles des pays et des peuples non représentés à cette Commission spéciale et de concrétiser le mécanisme des réparations. Ce Comité spécial était composé comme suit: pour les Etats-Unis le général McKinstry, pour la Grande-Bretagne le colonel Peel, pour la France Monsieur Jouasset; ses secrétaires: H. James (USA), Monsieur P. Laure (France). Pendant tout un mois ce Comité spécial a étudié et synthétisé les documents fournis par les Délégations ainsi que des documents obtenus par d’autres sources et, le 14 avril 1919, il a présenté son travail préliminaire․ Bien que les pertes estimées concernant les arméniens occidentaux et orientaux aient été présentées séparément, elles ont fait l’objet d’un chiffrage global. Ainsi, en tout et pour tout, les pertes subies par la nation arménienne entre 1914 et 1919 représentent 19.130.982.000 francs français de l’époque (1919). Toutes les nations vaincues ont été contraintes à indemniser: l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Bulgarie ainsi que l’Empire ottoman. L’Allemagne a entièrement éteint sa dette seulement en juin 2010. L’Empire ottoman puis son successeur, la République Turquie, se sont soustraits à cette obligation jusqu’au jour d’aujourd’hui.

Nous constatons et nous sommes convaincus que l’ensemble des droits accordés au peuple arménien a du poids. Par exemple, les décisions et la Sentence Arbitrale sont toujours valables et ne peuvent être annulées.C’est pourquoi les ignorer, que ce soit dans les cercles arméniens ou gouvernementaux de la planète, est critiquable et ne peut être justifiable.

La République Arménie Occidentale (Arménie) a adopté depuis longtemps son programme politique et juridique ainsi que sa stratégie de défense du pays et le respect de ses droits et elle s’y réfère.

Dans cette optique, en janvier 2018, a été adoptée la décision de créer une Force de défense des arméniens d’Arménie Occidentale selon le principe de régionalisation sur la base de la Convention sur une neutralité permanente et armée et sur l’article 51 de la Charte de l’Organisation des Nations Unies.

Dans ce but, en 2018, a été prise la décision d’adresser à l’ONU, au Conseil de Sécurité de l’ONU ainsi qu’au Parlement Européen une adresse demandant de mettre en pratique l’application des droits octroyés au peuple arménien.

  1. Adresse de la République Arménie Occidentale (Etat Arménie) « De l’adhésion de la République Arménie Occidentale (Etat Arménie) en tant que membre à l’Organisation des Nations Unies » (25 mai 2018)
  2. Adresse de la République Arménie Occidentale (Etat Arménie) à l’ONU « Pour l’exécution et la réalisation de la Sentence Arbitrale du 28e Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson du 22 novembre 1920 dont l’intitulé complet est – « Décision du Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson concernant l’établissement d’une frontière d’Etat entre la Turquie et l’Arménie, d’un accès à la mer pour l’Arménie et la démilitarisation des territoires turcs limitrophes à la frontière arménienne » (29 mai 2018)
  3. Adresse de la République Arménie Occidentale (Etat Arménie) à l’ONU « De la démilitarisation de l’Arménie Occidentale et de la Cilicie et évacuation des troupes d’occupation turques de ces territoires », en accord avec la Sentence Arbitrale du 28e Président des Etats-Unis d’Amérique Woodrow Wilson ( 20 novembre 2018)
  4. Adresse de la République Arménie Occidentale (Etat Arménie) à l’ONU « De la démarcation de la frontière entre l’Etat Arménie et la République Azerbaïdjan », pour établir une délimitation et une démarcation de la frontière entre l’Etat Arménie et la République Azerbaïdjan sur la base des principes et des dispositions contenus dans l’Exposé-proposition de la Commission spéciale de la Conférence de Paix de Paris concernant l’établissement des frontières de l’Arménie du 24 février 1920 (7 août 2019)
  5. Adresse de la République Arménie Occidentale (Etat Arménie) au Parlement Européen « Des erreurs, des omissions et formulations impropres contenues dans la Résolution du Parlement Européen « De la solution politique de la Question Arménienne » du 18 juin 1987 et de la nécessité de sa reformulation » (5 décembre 2020).

Malheureusement les défis et les menaces en direction de l’Arménie sont restés identiques. De plus, le scénario de la dernière guerre d’Artsakh et la situation imposée témoignent que cela a été organisé pour affaiblir la position de l’Arménie lors des pourparlers.

Autrement dit, les tâches de l’Arménie, hier et aujourd’hui, non seulement sont restés les mêmes mais ils se sont encore plus compliqués. C’est la raison pour laquelle l’exigence non satisfaite hier doit être satisfaite aujourd’hui. En résumé, nous avons l’obligation de nous préparer, rapidement et intelligemment, à une défense nationale globale et à faire respecter les droits du peuple arménien. Il serait préférable d’organiser cette défense sur le modèle de l’organisation des Forces armées suisses.

C’est l’unique moyen dans notre monde contemporain d’assurer le droit du peuple arménien à l’existence, à un développement et à un futur.

 

TigranPashabezyan

Premier Ministre de la République Arménie Occidentale (Arménie)

20․01․2023

 

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Traduit en français par Béatrice Nazarian

 

 

 

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